"Désenchantement" du camerounais Rémy Mveng

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  • Le samedi, 21 mai 2016
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PAROLE À L’ÉCRIVAIN – ACT. 11

Yaoundé, 30 Avril 2016

Invité : Rémy Mveng

Auteur de : Désenchantement

Une note critique

d’Ulrich Talla Wamba

Écrivain/ Cameroun

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« La poésie est une vague stellaire », une tendance d’émotions neuves qui s’éclabousse dans l’intime de la muse d’un garçon. D’un poète. Rémy Mveng fait partie des victimes de ce suc enivrant qui ressuscite le verbe et la beauté de la syllabe. Il nous offre à déguster, ce jour le recueil de poèmes « Désenchantement », publié en 2015, aux Editions Harmattan Cameroun.

Désenchantement est la livraison de 40 poèmes ; aspirations provenant du profond obscur d’un jeune camerounais d’aujourd’hui, observateur inquiet de son alentour. Et accoucheur de vers frais à destination de son peuple et ses élites. C’est une poésie-chanson qui s’accole à la serve des refrains pour achalander la beauté de la musicalité des mots et la transparence de ses propos. C’est une ode, à la lumière, de Socrate. A la grandeur de Mandela, au courage de Sankara et surtout de l’espoir de Martin-Paul Samba.

Nulle part

« Nulle part ». C’est par cette remarque plus ou moins sentencieuse que Rémy Mveng condamne le premier vers de son premier poème « Déprimé chronique ». Il préfère ne pas garder le suspense et cracher la virtuosité de son écriture, de sa poésie, de sa mission, de son désenchantement au tout début de son cri, de son chahut, de son hésitation. L’auteur traite d’une multiplicité de thématiques et d’univers sous formes de carte postale. Il reflète la réalité non alléchante qui ravive la colère, la pétoche, l’amour, le patriotisme, le panafricanisme, etc. Notre poète est un être nostalgique de ses traditions africaines et des couverts versifiés qui charcutent son « Nyong », son « Akonolinga » (Ma ville mon Nyong – Songe à l’union)[1].

« Je te salue tendre hutte

Vous fervents boucliers

Vous artisans de notre histoire

Que diriez-vous de ce legs au purgatoire

Du fond de vos espérances

Nous épargner toutes souffrances

Assailli aujourd’hui par de graves fléaux

J’ai perdu les mots

Dans ces eaux noires

Oh mes pères j’ai trahi votre mémoire »[1]

 

Élevée par le rang de longues luttes

Je te salue berceau des aïeux

Et les saisons de souvenirs douloureux

Je te salue sang de mon sang

Pour toute cette fierté que je ressens

Je te salue pays fertile

La terre des âmes subtiles

De la forêt dense aux prairies des savanes

Je me loue de vous Minkio et Afane

Vous braves ouvriers

Simple et beau

C’est par ces trois mots ; « Simple », « et » et « beau » que Dr. Bingono Bingono, le Préfacier  résume cet ouvrage. Il fait bien, puisque la dimension « simpliste » s’impose dans l’embouteillage thématique que laisse circuler humblement le poète. On est loin, très loin même d’une poésie de Fernando d’Almeida[2] réputée d’hermétique par  certains critiques littéraires. Nous avons ici une poésie ouverte, qui dit ce qu’elle a à dire et ferme sa bouche. Elle connait sa mission : fouetter avec toute la sévérité possible, l’infamie des maux divers qui s’imposent dans le quotidien du peuple de Rémy. Sa poésie, veut changer les consciences et les déférer dans les geôles sinistres du doute.

Désenchantement : un désenchantement de quoi ?

Un mot. Un seul. « Désenchantement » porte à lui tout seul, toutes les 100 pages de poésie et d’expression lyrique d’un penseur. Au juste, de quoi désenchante t-il ? Pourquoi ? Et comment ? La poésie Mvengenne désenchante les pratiques du pays irresponsable : le pays qui ne s’occupe pas de ses enfants malades dans les hôpitaux, le pays qui regarde sans-dire-mot, les fumerolles – au pays qui ne gave d’amours qu’à titre posthume – au pays du « mendiant des gestes » et du « preneur des restes ». – au pays du « gros con » et du « videur du fond » - au pays du village « Mengang », le village des « grigris » qui a cédé sa gaieté et récupérer la sorcellerie négative – au pays de l’hypocrisie, de la corruption, de la pauvreté, du népotisme, etc.

Liberté, libre, vivre…

Au-delà des candeurs d’apostrophées qui s’écharpent dans l’estime de sa poésie, Rémy Mveng  par cette gestuelle des mots se revendique, « homme libre ». Il est un poète. Il est donc libre. Il peut écrire ainsi un recueil de 40 poèmes et utiliser une et unique ponctuation. « Trois points de suspension ». Trois points suspendus justement pour être en phase avec la beauté vilaine de la « couronne d’épines »[3] qui éconduit plusieurs d’entre nous au quotidien.

Rémy Mveng est libre…

Il ne connait pas (ou refuse de reconnaitre) l’expression du poème par plusieurs strophes. Non. Il accouche son poème d’un seul jet. Il parle comme il s’exprime et s’exprime comme il chante…Des chansons en querelles, en nostalgies, en confessions, en prières, en vœux, en cavales. Surtout en cavale…comme l’illustration de la première de couverture : La marche effarée d’un bonhomme perdu, qui avance courageusement vers l’inconnu. Un inconnu, qui ne demande qu’à être découvert et dégusté par le lecteur, et connaisseur de la belle parole.

Pour ceux qui ne seraient qu’à la recherche d’une poéticité illuminée, dommage ! Car ils seront un peu déçus. Car, l’objectif premier du poète n’était pas de vous dire des images de Marcel Kemadjou Njanke dans « quarante feuilles d’amour » ou de celles de « Orifiques ou neuvaines enchantées » de Jean-Claude Awono.

Le livre est en vente dans les librairies Harmattan, et devient de onzième livre à être honoré dans ce programme mensuel du CLIJEC.

 

Je vous remercie.

 

 

 

Pronocée par: Ulrich Talla Wamba


[1] Cf. page 13.

[2] Grand poète camerounais – Auteur de plusieurs dizaine d’ouvrages poétiques. Décédé en 2015.

[3] Cf. page 17

FIIAA Raoul Djimeli L'Harmattan Cameroun Désenchantement PAROLE A L'ECRIVAIN Rémy Mveng Poésie Magazine littéraire CLIJEC le Mag' Interview manuscrit CLIJEC édition Ulrich Talla Wamba plumencre

Commentaires

  • SamiraGabon
    • 1. SamiraGabon Le mercredi, 03 août 2016
    Jolie

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