plumencre :: Le recueil de poèmes "graines de silence" de la poétesse camerounaise Anne Rachelle Aboyoyo Aboyoyo

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  • Le dimanche, 19 mars 2017
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Note rédigée par Ulrich Talla Wamba

  • « J’ai choisi d’être le silence…
  • « La douleur est dans toute esquive.

Cette semaine, je vous plonge dans la parole poétique de l’écrivaine camerounaise Anne Rachelle Aboyoyo Aboyoyo, auteure l’an dernier, aux Editions Sopecam (Cameroun), du recueil de poèmes « Les graines du silence », ouvrage de 78 pages et contenant une cinquantaine de poèmes diversement riches et intrinsèquement profonds.

La construction du vers poétique est régie chez les poètes par une essence libérale commune qui donne sens à l’harmonie qui s’y dégage et reflète la beauté qui l’éclaire. La poétesse camerounaise Anne Rachelle ne déroge aucunement à la règle, et  donne, puis redonne à découvrir…

  • « J’écoute à toute heure,
  • « Dans le silence des instants,
  • « Les souffles nombreux
  • « Qui courbent les choses.
  • « La force leur manque
  • « Pour saillir le monde
  • « Et y déposer la semence de la vie.
  • « Les bouches éruptives
  • « N’éructent que le mensonge et l’accusation
  • « Sur des peuples qui s’effondrent
  • « Dans la gadoue de la bêtise… [1]

Seuls les poètes, artistes, et autres pondeurs de la pensée, de l’art et de la beauté sont en mesure de percer profondément la pesée d’une telle publication…qui vient des profondeurs les plus intimes d’une poétesse en quête de silence, en quête d’espace, dans ce monde toujours plus bruyant, toujours plus encombrant, beaucoup plus austère. Pour ces maux pourtant, Anne Rachelle croit avoir trouvée la solution ; dans cette lotion imagée qui dit le verbe et interroge les « aujourd’hui » tatoués des « douleurs d’hier ». Le Silence. 

Le Silence justement. Cette verve nostalgique qui émeut et trouble l’âme troubadour qui « pense souvent à exhumer le passé/ Le passé des grands fauves féroces / Lorsque l’Homme et la bête se parlaient ». Le Silence. Cette froideur récupératrice qui se consigne à l’abécédaire de la larme, de la douleur, et de la séparation. Non consultée, pour « concevoir le mal/ Et engendrer le crime ». Ou simplement, mal consultée, pour « Ourdir le mal / Et malmener l’innocent ».

Dans ce recueil de 53 poèmes, l’auteure explore dans son antre le plus fécond, les vertus d’une pratique (le silence), vieille comme « mère-monde ». L’auteure présente des « silences-doux », des « silences-bavards », des « silences-silencieux ». Le silence est cette réalité qui est observée chez les femmes oppressées, le silence est cette réalité qui héberge le sanctuaire de la sagesse, de la réflexion, de la méditation orpheline, des lamentations…C’est un décor qui survit dans la « chambre, ambe vidée »[2], dans la « chambre nuit, chambre éventrée, dépouillée »[3] dans la nuit qui presse et accule.

  • « Aujourd’hui est une bataille acharnée,
  • « Gaiement triste, tristement gaie,
  • « Truffée de songes et d’envies de demain
  • « Tatouée des douleurs d’hier.[4]

Des graines de silence…ou des quanta silencieux. Une tentative de quantifier le silence, de lui donner le caractère comptable est courageuse. C’est cette volonté, d’une générosité, à l’image du pain de Dieu, que l’officier de la messe donne à tous les croyants (disciples de la parole).

Le silence peut (et doit) être partagé aux Hommes. Il revêt de nombreuses thérapies très souvent méconnues du grand public. On devrait ; à côté, des « Obus, éclats de guitare, musiques cavalières, tam-tams, bruits, vrombissements de moteurs, pétarades, cliquetis… »[5] qui soumettent l’oreille au « diktat d’un immense murmure perpétuel » embrasser le silence.

Un silence qui devrait être le lambeau qui orchestre la communion avec soi-même et son entourage. Pour cela, ses semences devraient prendre leurs fondations et faire éclore plutard des pétales de silence dispatchées dans le cœur des camerounais, des africains, des terriens. En effet, le silence devrait être une lotion qui adouci les cœurs et les âmes agitées. Le silence devrait être la meilleure conseillère et le premier témoin de l’Homme et de son humanité.

 
 
  •  « Je te rêve en silence ;
  • « Car les mots dénudent la pensée
  • « De son intensité.

 

 

 

 

[6]

Le recueil « Les graines du silence » qui s’égrène au fil du voyage de l’ode poétique devrait mollir les blessures et panser les plaies. Il devrait être prescrit par les médecins aux malades de la parole prématurée. Et pourrait ainsi justifier de temps en temps les « silences présidentiels » dans un pays d’Afrique centrale. Le recueil « Les graines du silence » est surtout un joli cocktail purifié de poéticité vorace, bien cuit et qui libère l’être et appelle à une meilleure connaissance de soi.

Le silence d’Anne Rachelle, peu importe, qu’il soit muet, bavard, ou silencieux, doit refléter la boussole de l’humain et l’aider par la même occasion  à ne rien perdre des sensations du vent, du froid, du soleil, de la nuit, du midi.

Praiseworld Radio Merci pour l'image.

 


[1] Page 29. Titre du poème : Ode.

[2] Page 51.

[3] Page 52.

[4] Page 16. Titre du poème : Chevauchement.

[5] Préface de Raymond Mbassi Ateba, Maitre de conférences – HDR – ENS – Université de Maroua. Page 7

[6] Page 56. Titre du poème : Saignement.

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