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la femme africaine célébrée par Senghor - Analyses de Franck Kemayou

Senghor plumencre

Certains pourraient trouver ridicule le fait d’associer Senghor  - ce poète de la contestation anticoloniale, chantre de la négritude - à la célébration de la journée international de la femme, vu la façon dont  elle est reconçue et célébrée ces dernières années dans la plupart des pays africains, francophones en occurrence. Si pour plusieurs, elle apparait comme une vu de l’esprit il n’en demeure pas moins vrai que tant Senghor que cette célébration du 8 mars ont un point commun : la valorisation de la femme (celle noire pour Senghor) et son indépendance sociologique. Ce 08 mars 2016, réfléchir sur l’importance et la réorientation de cette célébration de la journée internationale de la femme m’ont plongé dans une relecture d’un recueil de poèmes de Senghor qui, chez - moi est perçue comme une véritable ode à la femme africaines : Chants d’ombre !

Poeme femme noire senghor plumencreLa femme noire a presque toujours été au centre de l’inspiration senghorienne. Pour elle, des « chants » il en a composé: « chant pour signare » in Nocturne et Chant d’ombre en sont  la preuve. Dans ce recueil de poèmes - chant d’ombre -, 2 poèmes - peut être pas  les plus illustratives- « femme noire » et « nuit de sine » sont des hymnes à la femme noire. Relire ces poèmes pour moi, revient à célébrer avec Senghor la femme africaine. Dans «femme noire » et « nuit de sine », Senghor  décrit les formes de la ’signare’ et sa couleur de peau. Son caractère moral brossée, tantôt elle chante, tantôt elle est chantée. 

Parlant de son contexte d’écriture, le poème « femme noire » est écrit à la fin de la seconde guerre mondiale, revendiquant la culture noire, le langage et les mœurs africains. À travers « Nuit de sine », Senghor montre que le village est le lieu ou le Noir communique avec la nature et les ancêtres, ou il exprime son authenticité, ses valeurs culturelles et la manière africaine de vivre. C’est également dans le village que l’africain et l’africaine commencent leur initiation aux rites, aux traditions et qu’ils apprennent à s’intégrer dans leur communauté.  La technique du chant jouant sur les rythmes et la musicalité domine la poésie de Senghor.  Les procédés de répétitions (anaphore, etc...)  sont très présent dans les 2 poèmes.  Senghor allie les vers aux procédés de répétition, ce qu’il appelle ‘ parallélisme asymétrique’  considéré comme l’un des principes fondamentaux de l’esthétique négro-africaine. Ces 2 poèmes exploitent les figures de styles, surtout la métonymie chère à l’académicien, mais spécialement, un traitement particulier est accordé à l’oxymore. Le noir s’allie au blanc, la nuit à la lumière. « Femme allume la lampe (…) que causent les parents, les enfants au lit. » (v 15, Nuit de sine)

« Femme noire » est une ode à l’amour, a la femme africaine. Cet hommage, Senghor le rend à travers les qualités de la femme. Les 4 premières strophes sont des interpellations et des appositions à la femme noire aux qualités maternelles. Elle est protectrice, douce, apporte calme, réconfort, mais également lumière spirituelle. Dans le poème « Nuit de sine », la femme est douceur (v. 1), elle est le berceau, la source de vie associant la vie terrestre à la vie astrale (v.5). Le poète poursuit cet hommage à la femme à travers sa beauté qu’il chante. Il exalte Dans « femme noire » la beauté  de la femme nue sans artifice. La couleur noire est symbole de vie (v.2).  Tous les sens sont sollicités pour ressentir et ressortir la beauté de la femme noire : vue, gout « sombres extases du vin noire», (v .8) toucher « caresses ferventes du vent d’est » (v.9), ouïe « tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur  » (v.70).  La totalité des gestes de la femme dans « Nuit de sine » rythme le quotidien de la vie.

Sensualité et mysticisme de la femme apparaissent au travers de sa nudité et son mystère dans le poème « femme noire ». Même nue, la femme est chargée de mystère. ‘Femme obscure’ entraine le double sens de femme noire et femme mystérieuse. La femme noire est à la fois ‘ obscurité et lumière’. Le recueil de poème chant d’ombres est fait à l’image de la femme parce que chez Senghor, l’évocation de la femme revient au clair-obscur, exactement comme l’ombre. L’expression « terre promise » (v.5) faisant allusion à femme nue et noire est une dimension de l’élévation spirituelle très importante chez Senghor. (La terre promise qui est la terre ruisselante de lait et de miel destinée aux enfants de Dieu, les israélites).

Dans « Nuit de sine », la femme donne apaisement et sérénité «  pose sur mon front(…) tes mains douces plus que fourrures » (v1). La femme est un sujet maternel et de séduction. Elle protège l’enfant qui deviendra un homme ou une femme. Ses chants sont des berceuses qui redonnent vie «  écoutons son chant, écoutons battre notre sang sombre, écoutons battre le pouls profond de l’Afrique dans la brume des villages perdus » (v.6).

Dans les 2 poèmes, l’amour relève de la grâce, de la force, de la retenue, de la fusion, et du spirituel. Les métaphores astrales et mystiques ont un rendu émotionnel. Pour Senghor, l’univers et la femme ne font qu’un. Le monde des vivants est lié à celui des morts - donc pas de limite entre le rêve et la réalité. Le mot ‘femme’ n’est pas défini et n’a pas de possessif ; c’est donc une généralisation une simple construction faite à la femme en général, celle qui est nue, belle, obscure et mystérieuse. celle qui a du sang sombre, c’est la femme noire qui est l’Afrique.  Senghor à travers « femme noire » et « nuit de sine » à immortalisé la femme en générale, celle noire en particulier dans l’éternel, et le toujours.

 

Par Franck Kemayou Djeukoua   (en partenariat avec le CLIJEC)

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Commentaires

  • Amani
    • 1. Amani Le samedi, 14 mai 2016
    très bel article...courage à vous M. Ulrich.
    J'ai acheté vos livres. Vraiment, vous méritez énormément.
    cordialement
  • Nadège
    • 2. Nadège Le lundi, 25 avril 2016
    Bonjour. Je suis Nadège. Congo. Je découvre maintenant votre site et le trouve vraiment intéressant. Je suis fière de savoir que même sur d'autres cieux, la littérature africaine est toujours célébrée.
    Du courage et bon début de semaine à tous !
  • M. Ewane
    • 3. M. Ewane Le dimanche, 24 avril 2016
    C'est vrai...en effet, je pense humblement qu'il ne faut pas séparer la négritude et la femme. Ce combat se reposait aussi sur elle. Et même dans ses poèmes et discours comme vous l'avez rappelez. C'est vrai qu'on l'oublie souvent...
  • kamel
    • 4. kamel Le samedi, 23 avril 2016
    Senghor et la négritude
    Soyinka et la tigritude

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