avec la centrafricaine Alexandrine Lao

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  • Le vendredi, 22 avril 2016
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Hc lao 3

Alexandrine Lao est poétesse, dramaturge, conteuse. Écrivaine prolifique Centrafricaine, elle est l’auteure de nombreuses œuvres : Hymne à la Femme (poésie) – Folklore national (poésie) – Le Soleil se lèvera pour la femme...

... (théâtre) – Médiocrate (théâtre) – Les Héritiers du soleil (théâtre) – Les Empreintes du diable (roman) – Cinquième Épisode (roman) – La Citadelle aux enchères (nouvelle) – Poisson d’avril (nouvelle) – Les Paroles de Ama (conte)


Bonjour Alexandrine Lao, et mes meilleurs vœux pour l’année 2016. Pouvez-vous nous parler brièvement de votre parcours ?

Bonjour Ulrich Talla Wamba, merci pour les vœux de l’année 2016 qui a déjà commencé il y a vingt jours. A mon tour de vous la souhaiter meilleure selon vos plus chers désirs.
Mon parcours littéraire a débuté en 1992 par ma première participation à un concours de poésie qui a été primé.

Nous connaissons le contexte littéraire difficile dans votre pays. D’où vous est venue, l’idée d’écrire ? Et où puisez-vous principalement votre inspiration ?

Je suis convaincue que de part le monde, où nous évoluons tous à des degrés différents, notre égo ne pouvant se substituer à nous, est sensible à la haute dimension de notre sensibilité créative innée.
Il faut bien recadrer les choses. Il y a eu dans mon pays, des crises similaires récurrentes. L’amer souvenir des trois années scolaires blanches en continu de 1989 en 1992 a provoqué une léthargie culturelle et littéraire.

L’école étant le fondement culturel, psychologique et sociale, c’est la structure la mieux adapté de véhiculer à l’enfance et à l’adolescence les rudiments du savoir faire, du savoir être, du savoir devenir en complément de l’éducation parentale.

Malgré cette conception révélatrice de l’école, force est de constater que les écoliers, les élèves et les étudiants centrafricains, continuent de payer un lourd tribut du fait de morcellement des programmes scolaires adapté au contexte de six mois de cours au lieu de neuf, validés par des diplômes entachés d’irrégularités de médiocrité ; ou à des passages en classe supérieure cousus de fil blanc.

La jeunesse désorientée, est rompue dans l’informel, galvaudant sa juvénilité dans le commerce ambulatoire pour sa pitance quotidienne, depuis bientôt quatre décennies.
J’ai si mal pour cet avenir si sombre de mon pays…mon optimisme intuitif me susurre que les consciences vont se réveiller pour bouter hors de nos contrées, ses dividendes insipides de l’impéritie.
L’idée d’écrire ? Et bien tout a commencé dans les années 1992. Pendant cette période, mon mari était en France pour ses études. Le Centre Culturel Français à l’époque par l’initiative du Ministre écrivain, feu Etienne Goyemide avait lancé un concours de poésie le 20 Mars. Je me suis inspirée de nos lettres qui a aboutit à une poésie très romancée : « Douleur de la Séparation » qui a reçu le 5ème Prix et L’encouragement du Jury.
Dans le contexte social qui est le nôtre, tout m’inspire à écrire, à raconter, à dessiner, à dire…l’inspiration m’enveloppe dans la quotidienneté et je navigue dans ses senteurs captivantes…(Rires).

Est-ce qu’en plus de statut d’écrivain. Être femme, représente (ou a représenté), un atout (ou un inconvénient) pour votre carrière ?

Je ne me pose pas la question…Être femme…Ou se situe le problème ? C’est un constat naturel quand on amorce les premières années de la vie, de voir la différence entre un garçonnet et une fillette avec des conceptions infantiles. Non. Je ne me suis inquiétée de rien…Être femme.., Ma foi, je ne l’ai pas demandé, d’ailleurs à qui le demanderai-je ? Je suis femme par un concours de circonstances. J’y suis, j’y reste en prônant les valeurs positives qui sont les miennes en tant que femme. Je n’ai jamais opté pour la facilité ni d’un quelconque arrangement dans ma carrière de femme écrivain…Je me bats pour que la plume, ma plume et celle de toutes mes consœurs réactualisent le quotidien de la femme fusse-t-elle noire, blanche, jaune, rouge…

La question du féminisme, s’interpelle beaucoup dans vos œuvres, quelles en sont les raisons ?

Ah çà oui. La question du féminisme m’interpelle en tant que femme partisane de changement dans son milieu. Je suis dans le mouvement de la féminitude. Est-ce possible de ne pas en parler…De ne point parler de la femme, sa vie, son vécu, ses aspirations profondes, ses aliénations sociales…La femme est tout ; sans elle, la vie sera un vaste étendu de ténèbres mais combien lui revaudrai cela ? Qu’importe, mais cette page ou la femme est reléguée au plan z est révolue.

Est-ce-que la transition politique de votre pays assurée par une femme, Catherine Samba-Panza, en occurrence, est un signe fort pour vous, de dire que la femme est entrain de renverser la tendance ?

 (Rires). Je me rends compte, avec beaucoup de satisfaction que, au moins nous les femmes sommes regardées autrement maintenant…Que de préjugés…Écoutez, la femme a toujours été depuis la nuit des temps un maillon non négligeable de la transmission des valeurs intrinsèques. C’est la société avec ses nombreux dictats qui a annihilé la personnalité réelle de la femme.

La tendance est renversée et se concrétise. Dans un passé récent dans mon pays, c’était le comble dans les salles d’attente des maternités. Neuf mois de grossesse, c’est pour la venue d’un sexe masculin…Sexe féminin, qu’est ce qu’on en fait ? C’est une flèche qui s’aventurera bien au-delà des cercles familiaux…Sexe masculin : ce sont les honneurs terrestres, la perpétration de la lignée par le nom donné par le père au fils.
Tant bien même, la femme est reléguée à l’in existentiel dans nos sociétés par la non fréquentation scolaire, la non prise de décisions, néanmoins la cupidité parentale, se base sur elle pour plumer les gendres par le versement de la dot…

Aujourd’hui, la société constate le creuset formidable réalisé par la femme. Ce n’est plus d’actualité que la femme collecte les miettes, ni de s’adosser aux murs épouvantables des lamentations. Le mouvement va se radicaliser et d’ici 2020, les thématiques d’antan qui ont empoisonné sa vie, ne seront que des illustrations glorieuses de son combat. L’exemple patent est l’investiture à la Magistrature Suprême de Catherine Samba-Panza, Chef de l’État de la Transition, qui a hérité d’un palais perverti par la douleur et les larmes du peuple centrafricain ; mais qui a su en tant que femme, mère et gardienne des valeurs nobles, réorienter la vision de son peuple vers la paix, la cohésion sociale et des élections apaisées pour le développement de Centrafrique . Cette gestion rationnelle de Catherine Samba Panza a entrainé dans son sillon toutes les femmes centrafricaines, capables désormais d’enlever les orties de leur milieu de vie. De se battre pour faire valoir leur place, préserver leur identité.

La République Centrafricaine malgré la richesse inouïe de son sol et sous-sol est resté l’un des pays les plus pauvres et ayant connu le plus de coup d’état depuis les indépendances. Sentez-vous interpellée, en tant que femme d’abord, ensuite, conteuse ?

J’ai tellement mal…Si mal, si mal, si mal, pour mon pays que même le mal récuse mon mal…Ouf ! Non pas de délires.

Un Philosophe français disait : « Le cœur de l’homme est changeant et mauvais ». Çà je l’approuve : Nous ne sommes pas dans une sphère de sainteté. Non. Nous évoluons sur les microns humains avec des fortes densités de nuisance. Cette forte densité de nuisance sera inexistante si des structures opérationnelles agissent en amont pour recenser les problèmes réels de la société et d’en apporter les solutions qui s’imposent.

Une société est régie par des règles de fonctionnement. Qui dit règle, dit gestion équitable pour assainir les milieux de vie sans faire de mécontents. C’est une conception universelle sociétale qui garantit les droits fondamentaux de la population.

Il va falloir définir le duo universel « Etat-Nation », susceptible de fonctionnement sans entorse. L’inadéquation sociale est un grave handicap qui obstrue la chaine relationnelle à tous les gradins de la vie.

Voilà quatre décennies que tout se passe au rabais dans mon pays : Scolarité au rabais, soins de santé au rabais, patriotisme au rabais, politique sociale au rabais, urbanisation au rabais, cohésion sociale au rabais…

Il y a eu des successions de Coup d’Etat dans mon pays, c’est vrai. Ce n’est pas la bonne solution, c’est vrai, mais comme je le disais tout à l’heure, gouverner, c’est prévoir…Il faut tenir compte de tous les paramètres globaux, d’identifier l’identifiable pour cerner les nœuds des problèmes et amoindrir les poches des tensions éparses.
Déflagrations, barbaries et violences ne constituent en rien, le socle de développement sur lequel devra prendre appui le peuple. Ce sont des supports de destructions, de cauchemar délétère. Je me demande bien où est le pourcentage réel du peuple ?

Ce qui se passe dans mon pays, c’est une histoire. Je la raconterai, je la graverai dans les agendas spéciaux pour couronner la flexibilité de nos errances inénarrables perpétuelles. Nous sommes toujours en quête de notre identité éclaboussée et de notre unité calcinée.

Une de vos œuvres ayant retenue notre curiosité est la pièce de théâtre « Médiocrate ». Cette ode à l’éthique, est un appel à la réhabilitation des bonnes mœurs. C’est une satire, qui tire ses branches dans la société centrafricaine (et en plus généralement en Afrique). Quelle est la genèse de cette production de plus ?

Cette forme littéraire (dramaturgie) a eu raison de moi à Grand Bassam (Côte d’ivoire), en 2007, quand j’avais été invitée par M. Ablas Ouedraogo, l’initiateur suite à un de mes synopsis.
Arrivée là-bas, il n’était plus question de mouture rodée de la phrase mais de continuité dialoguée, de didascalie, de séquence, de moment et de mise en scène. Oh ! Je pense et me souviens comme si c’était hier. Des heures et des heures de balades avec les mots, avec ce genre littéraire vivant.

« Hymne à la femme » qui au départ se schématisait en un roman s’est vu éperonner la scène avec des mines fantaisies et romantiques. Une séquence a été jouée à Bassam.
Du coup, « Médiocrate » a alimenté mes pensées crépusculaires, mes rêves nocturnes et mon métabolisme jusqu’à prendre forme et être joué.

LIRE LA SUITE DES ÉCHANGES DANS LE MAG'. DISPONIBLE POUR TOUS PAYS EN VERSION PAPIER ET NUMÉRIQUE. Propos recueillis par: Ulrich Talla Wamba

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Commentaires

  • SamiraGabon
    • 1. SamiraGabon Le dimanche, 08 janvier 2017
    Elle a tout dit. Vraiment forte.

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