Cameroun : « L’État devrait subventionner et régulièrement les maisons d’éditions » Ulrich Talla Wamba, Directeur général des éditions Akoma Mba

Quelle est la situation du livre pour enfants ou mieux, quel état des lieux peut-on dresser du livre pour enfants en ce moment ?

Merci pour cette question… Pour comprendre la situation actuelle du livre pour enfants au Cameroun, il faut peut-être faire une rétrospective ! Et cette histoire récente du livre pour enfants va nous ramener en 1995, où l’écrivaine belge Marie Wabbes organise plusieurs ateliers de dessins au Cameroun à Centre culturel français (à l’époque). Ce sont les productions réalisées par ces jeunes qui va motiver les plus téméraires à mettre en place un projet d’édition de livre à destination des enfants. « Akoma Mba » deviendra la première maison d’édition de jeunesse du pays. Je souhaite préciser qu’à l’époque malheureusement, les rares éditeurs locaux refusaient catégoriquement ce type de littérature. Ils prétextaient un problème de rentabilité.

Pendant que nous célébrons nos 25 ans cette année, le paysage a beaucoup évolué aujourd’hui… C’est notamment grâce aux technologies de l’information et de la Communication, qui permettent de donner une « nouvelle » visibilité aux productions locales, mais surtout les exploits des outils technologiques de dessins. Vous avez aujourd’hui une nouvelle génération qui se sert principalement d’une tablette graphique et d’un stylet pour vous créer un imaginaire singulier.

Vous avez surtout une professionnalisation des différents acteurs de la chaîne de production. Je pense notamment aux auteurs, aux illustrateurs, aux festivals, aux médias de diffusion, et le fort taux d’alphabétisation au Cameroun. Depuis 25 ans, il y’a eu la naissance de la filière « Édition & Arts graphiques » qui produit des professionnels du domaine de l’édition et beaucoup avec des sensibilités pour la littérature enfantine. Le festival Mboa BD est aujourd’hui une jolie plateforme de diffusion et même de distribution de livres pour enfants. Il existe actuellement toute une revue online « Muna Kalati » consacrée à la littérature jeunesse. C’est autant d’avancées que je note et qui de point de vue doivent être relevés. Toutefois, j’ai de la peine au cœur, en regardant cet environnement qui est encore trop précaire. L’État devrait subventionner et régulièrement les maisons d’éditions pour enfants. Elles sont malheureusement laissées à leur sort. Aucun accompagnement notable dans la production éditoriale. Notre pays est un réservoir doré de pépites culturelles, qui doivent être enseignées aux enfants depuis leur base enfance. Tout cela passe par les livres. Les livres d’images. Dans plusieurs pays, le secteur de l’édition jeunesse est protégée par l’État. C’est un domaine sensible et gage d’une solide éducation pour le futur citoyen de demain !

Comment le livre pour enfants peut-il aider à contribuer à son épanouissement ?

Eh bien, sur deux axes majeurs : le ludique, l’éducatif. Les tout-petits sont dans un perpétuel exercice de découverte, d’apprentissage. C’est pourquoi ils touchent à tout… Ils aiment jouer ! Eh bien, offrons leurs cette possibilité de jouer, mais en intégrant le volet éducatif : le livre. Ils apprennent ainsi suffisamment sur les histoires (contes, légendes, devinettes, etc.) de l’Afrique, la richesse de nos cultures plurielles, les sagesses africaines, leur environnement, leur santé… Les enfants (comme les grands aussi) veulent rêver, donnons-leurs ces rêves à travers nos bijoux livresques, nos héros à nous !

Comment votre maison d’édition célèbre-t-elle cette journée et quelle mesure avez-vous pris pour soutenir le projet d’alphabétisation à travers le livre pour enfants ?

Pour cette édition, nous la vivons un peu mal, en raison de la crise sanitaire mondiale du Covid-19. Nous avions prévu plusieurs activités auprès des tout-petits ce 02 avril, jour de célébration. Mais confinement oblige, nous nous sommes rétractés. Notre maison d’édition abat un travail permanent dans ce sens. Nous avons lancé depuis le 6 mars, le projet « Caravane du livre d’images » qui va directement à la rencontre des tout-petits dans leurs différentes écoles avec l’objectif de leurs transmettre cette flamme, cet amour, pour le livres d’images…Pour les livres tout court ! En ce moment, nous orientons nos sensibilisations à travers nos différentes plateformes en ligne et reprendrons avec beaucoup de joie, une fois le virus loin de nous.

Propos recueillis par Yannick NOAH (L’Anecdote)