plumencre :: Entretien avec Sansy Diakité, promoteur de 72h du livre (Conakry)

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  • Le dimanche, 16 avril 2017
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Afin de mieux se saisir de l’importance et des tractations opérées par les professionnels guinéens pour l’obtention, nous prions de lire l’interview ci-après réalisée par Guinée Culture. Il, aborde le coût que cette manifestation nécessite, les bénéfices que le pays pourrait en tirer en termes de visibilité et de réalisation d’infrastructures. Non sans omettre l’idée qui a prévalu à l’initiation des 72H du livre.

Guinee-Culture : Vous êtes le directeur de la maison d’éditions L’Harmattan Guinée qui organise depuis bientôt une décennie Les 72 H du livre, une rencontre au cours de laquelle le livre et la lecture sont promus. D’où vous est venue l’inspiration d’initier un tel évènement ?

Sansy Kaba Diakité : Ben, écoutez ! L’Harmattan a 10 ans, mais les 72H du livre, nous sommes à notre 8e édition. Vous savez, il faut avoir de l’ambition pour son pays, pour son continent. Moi, j’ai vu sur d’autres continents que le livre était célébré. Mais sur notre continent, il y avait encore beaucoup de déficits, et particulièrement en Guinée. Donc, quand j’ai fait mes études post-universitaires, j’ai été dans plusieurs maisons d’éditions. J’ai été dans beaucoup de foires à travers le monde. Je me suis dit pourquoi pas la Guinée. Je voyais les difficultés d’éditions, les difficultés de promotion du livre. Donc, j’ai créé ma maison d’éditions en septembre 2006. L’objectif était de permettre aux Guinéens d’avoir accès aux livres, de se faire éditer et d’être connu sur le plan international. Ce qu’on a réussi, parce qu’on prend part à la plupart des salons dans le monde. Participer à des salons et ne pas en organiser un chez soi, c’était triste. Je me suis dit tout de suite qu’il faut créer les 72H du livre. Et pour la petite histoire, le 23 avril c’est la Journée mondiale du livre partout dans le monde. Pourquoi la Guinée ne célébrait pas cela ? C’était une question fondamentale. Je me suis dit qu’on a eu du retard et qu’il faut le rattraper. Donc, une seule journée ne suffisait pas. C’est pourquoi on a pris 3 jours. Et 3x24 font 72. Voilà comment est venue l’idée des 72H du livre. Ce n’est pas sorcier. C’est une équipe composée d’hommes et de femmes qui m’accompagne. C’est toute une chaîne dans laquelle chacun essaie de faire sa partition. Nous avons des directeurs de collection, des auteurs, des lecteurs, des clubs littéraires, etc. Donc, c’est toute cette masse-là qui organise cette manifestation. Bien sûr que c’est piloté par nous, mais l’objectif est que chacun joue sa partition. Je profite de votre micro pour remercier toute la presse qui s’associe à cette opération durant les 8 dernières éditions.

Restons dans ce sillage pour parler de la 8e édition de cet évènement tenu les 23, 24 et 25 avril dernier. Dites-nous, quelles ont été les activités-phare cette année ?

2016, pour nous, c’était une année de tous les défis. Parce qu’il fallait prouver au monde entier que 8 éditions, ce n’est pas 8 mois, ce n’est pas 8 semaines et encore moins 8 jours. C’était pour nous de confirmer le défi de la mobilisation, l’efficacité et de l’organisation. Vous avez vu quel était le niveau de la participation. La qualité des débats était à la hauteur de l’évènement. Et puis, on a voulu lier l’actualité littéraire à l’actualité du pays. On sort de difficiles moments qui ont durement affecté l’économie nationale. Et vous savez que notre économie est essentiellement basée sur les mines. Vu qu’il n’y avait pas mal de dysfonctionnements autour de cela, on a voulu mettre les mines au cœur de cette 8e édition, en prenant comme thème : ‘‘Livre, mines et développement communautaire’’ pour discuter, se pencher sur les enjeux des mines et profiter pour sortir le Code minier guinéen, afin que chacun de nous sache ce qui est dedans. C’était vraiment un espace de rencontres et de discussions autour de toutes ces questions-là, sans oublier la partie Livre. Le livre déjà, c’est notre corps de métier. Le livre, c’est notre engagement. Vous avez vu que nos amis étaient venus de partout à travers l’Afrique, l’Europe et l’Amérique. Pour cette 8e édition, nous étions très satisfaits de la mobilisation, avec le Congo comme pays invité d’honneur. Le Congo est un grand pays de culture et de littérature. Et les congolais ont accepté d’être massivement à Conakry. Ils ont présenté leur littérature et participé à l’ensemble des activités à Conakry, ainsi qu’à Boké qui était désignée comme ville invitée d’honneur. Tout ça, c’était pour dire qu’autour du livre, on peut faire beaucoup de choses. Donc, cette 8e édition, il y avait d’un côté les mines comme enjeu. Et de l’autre, il y avait la diplomatie comme enjeu fondamental, parce que ça nous permet de rentrer de plain-pied dans Conakry capitale mondiale du livre. C’était pour nous de lancer cette grosse campagne autour de la nomination de Conakry capitale mondiale du livre en 2017. Donc, on a fait en sorte que les Guinéens puissent se rendre compte que le livre est important. Et, vous avez vu la mobilisation des uns et des autres.

Le 30 juin 2015, au siège de l’Unesco à Paris, Conakry a été désignée capitale mondiale du livre en 2017. Qu’est-ce qui a milité en sa faveur face à une dizaine d’autres villes postulantes à ce prestigieux rendez-vous culturel ?

Moi, je réponds toujours aux gens que c’est la qualité de notre programme. Vous savez que l’Unesco n’est pas une institution où la légèreté est admise. Donc, l’Unesco a des critères à travers lesquels une ville est retenue grâce à la qualité de son programme. Nous avons fait passer le meilleur programme. C’est pourquoi elle a choisi Conakry comme capitale mondiale du livre en 2017. Et dans ce programme, il est dit clairement que la Guinée, à travers sa capitale, est dans la promotion du livre, de la lecture au niveau de la jeunesse et au niveau des populations. Parce que vous savez que sur le continent le taux d’analphabétisation est extrêmement élevé. Nous, en Guinée, nous voulons lutter contre ça, en éveillant les gens. Beaucoup vont dire que Conakry n’a pas de bibliothèque, n’a pas de médiathèque, alors pourquoi on lui donne ce label ? Justement, on donne ce label à Conakry pour lui permettre d’avoir des points de lecture, d’avoir une bibliothèque nationale, d’avoir des médiathèques, etc. Je ne sais pas si vous évaluez l’enjeu. On a présenté le meilleur programme. C’est pourquoi l’Unesco nous a retenus. Et l’Unesco ne badine pas avec les critères. Il y avait plusieurs villes qui étaient en compétition, comme vous l’avez dit, et parmi lesquelles Conakry a été désignée pour abriter l’évènement de 2017. Nous devons être fiers de cette désignation, de cette qualification, de cette victoire. Et pour moi, c’est la victoire de l’union sacrée autour d’un document qui est vraiment important dans la vie d’un être humain qu’est le livre. Nous devons tous nous mobiliser pour faire de ce rêve une réalité. Parce que c’est la Guinée qui a gagné : ce n’est pas L’Harmattan, ce n’est pas Ganndal, ce n’est pas Verdure, ce n’est pas SAEC. Plutôt, c’est vraiment la ville de Conakry qui est en lumière, qui sera visible un peu partout dans le monde.

Le mandat de Conakry débute le 23 avril 2017 - qui consacre la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur - pour prendre fin le 22 avril 2018. A moins d’un an de cette date, quel est le niveau d’avancement dans l’organisation ?

Aujourd’hui, nous sommes une équipe d’hommes et de femmes engagés pour cette manifestation à Conakry. Vous savez que le commissaire général est entouré de plusieurs autres hommes de culture. Notamment le président de l’Association des écrivains de Guinée, le président des éditeurs de Guinée, la présidente des libraires de Guinée, le président des bibliothécaires, archivistes et muséologues de Guinée. Plusieurs présidents entourent le Commissariat général pour organiser cette manifestation dans notre pays. En plus cela, toute l’équipe du gouvernorat de la ville de Conakry, parce que c’est la ville qui est élue capitale mondiale du livre. Nous avons aujourd’hui élaboré un programme clair et net. Nous avons un budget clair et net. Nous avons un retro-planning clair et net. Donc, à notre niveau, tout ce que nous devons faire est prêt. Et c’est sur cette base-là que l’Unesco nous a désignés capitale mondiale du livre. Mais capitale mondiale du livre, c’est comme si vous organisez la Coupe du monde. Vous ne pouvez le faire qu’avec des ressources. Et les ressources, on les trouve où ? C’est avec des sponsors. Donc, depuis le 23 avril 2016, date du lancement de la grosse campagne de Conakry capitale mondiale du livre, nous sommes en train de travailler avec les sponsors, avec les entreprises privées, avec l’État, avec le gouvernorat de la ville de Conakry, pour mobiliser les ressources nécessaires afin de réaliser ce projet. Ces rêves seraient l’effort de toute la Guinée. Dans le programme, on ouvre avec les 72H du livre de 2017, c’est-à-dire, les 23, 24 et 25 avril prochain. Conakry capitale mondiale du livre sera lancé au palais Mohamed V de Kaloum avec des invités venus de partout. Vous savez d’habitude, nous sommes au Centre culturel franco-guinéen, nous sommes à la Bluezone. Mais pour donner un caractère sacré et souverain à l’évènement, nous allons ouvrir le bal au palais Mohamed V, avec l’implication du président de la République, du Premier ministre, du ministre de la Culture, des différents ministres en charge de l’Éducation, du gouvernorat de la ville de Conakry et de l’ensemble des professionnels du livre et de la communication. Parce que ce sera une fête pour toute la Guinée. Donc, aujourd’hui, le planning est prêt. Nous avons adressé des courriers à près de 250 entreprises nationales et internationales, pour nous accompagner dans cette opération. L’Unesco a fait des lettres de recommandation aux grosses entreprises du monde entier pour nous accompagner dans cette opération. Mais c’est une opération qui va avec le budget national de développement. Et le ministère de la Culture, le gouvernorat de la ville de Conakry, ces entités sont en train aussi de mobiliser, pour le budget 2017, des montants pour pouvoir réaliser des points de lecture, des bibliothèques, des médiathèques pour nos populations.

Conakry, capitale mondiale du livre est un projet d’envergure hautement symbolique. Quel est le budget estimatif que cette organisation nécessite-t-elle ?

Vous savez, les gens pensent que c’est quelque chose de caché. Non ! Ce budget existe sur Internet et dans tous ces documents que nous distribuons. C’est 3 millions et demi d’euros qu’il faut mobiliser. Mais on n’a pas besoin de cela en argent espèce. Il y a des gens qui vont faire des dons en nature, qui peuvent contribuer de leur façon. Il y a des hôtels qui doivent être loués. Si les sponsors prennent à leur charge ces hôtels, ça va être leur manière de contribuer. Donc, il y a beaucoup d’éléments dans ce budget. C’est de l’évènementiel, c’est de la construction d’infrastructures, ce sont des équipements, c’est de distribuer des livres aux écoles, aux universités et aux entreprises pendant l’évènement. Tout ce qui puisse être fait pendant l’année aussi, qui ne proviendra pas du projet Conakry capitale mondiale du livre, mais que des citoyens peuvent faire. Et à l’occasion de cette manifestation, quelqu’un peut décider de faire des actions-off. Nous, ça ne nous dérange pas. Pourvu que ça participe à l’amélioration des conditions de vie des populations. Je sais que quand on faisait ce projet. Il y avait la Bluezone de Kaloum qui était unique ici. Mais Bolloré nous avait dit que l’entreprise allait se battre pour faire 4, 5 à 6 autres Bluezone. Aujourd’hui, il y a 4 qui sont terminées. Et les autres le seront également pour bientôt. Donc, ça fait du bien qu’en marge de Conakry capitale mondiale du livre, une entreprise comme Bolloré soit en train de faire des actions solides d’investissement, de promotion de la jeunesse. Moi, je pense que c’est intéressant. D’autres peuvent, à l’image de Bolloré, faire d’autres actions pour la jeunesse guinéenne. Le ministère de la Culture est en train de terminer la bibliothèque nationale. C’est quelque chose d’extraordinaire. Ce budget n’est pas inclus dans celui de Conakry capitale mondiale du livre, mais c’est quelque chose qui est faite pour être disponible pendant la manifestation de 2017. Ce sont des efforts extraordinaires. Ce sont des milliards de francs guinéens. La bibliothèque du Pr Djibril Tamsir Niane, qui est un don du chef de l’État, sera aussi terminée pendant cet évènement. Ce sont des efforts. Vous savez, il y a beaucoup d’externalités. Il y aura beaucoup d’effets de ce projet que nous ne pouvons pas estimer aujourd’hui. Mais c’est pour le bien du pays. Donc, le budget retenu par l’Unesco pour cette opération, c’est 3 millions et demi d’euros que nous devons mobiliser. Ça peut être en nature, comme ça peut être financier. Nous, ça ne nous dérange pas.

Quelle est la part de l’État en termes de contribution dans l’exécution de ce projet ?

Ben, c’est l’État qui reçoit. C’est l’État qui fera le maximum. Même les sociétés privées viendront trouver le trouver là. Déjà, l’État fait suffisamment. Tout ce qui a été fait comme investissements pour mobiliser. Moi, je considère SAEC, Harmattan, ce que fait Ganndal, ce que fait le monde, c’est la Guinée qui mobilise cela. Parce que c’est la Guinée qui est membre de l’Unesco. Il faut savoir que l’Unesco ne dira pas Ganndal ou Harmattan. L’Unesco parlera de la Guinée. L’État fait énormément d’efforts. Le coût du projet c’est aux alentours de 45%.

Un mot pour conclure ?

Je suis fier de conduire ce projet au nom de mon pays, au nom de la Guinée que j’aime bien. Et je dis et persiste que c’est une équipe qui a gagné. C’est toute une équipe qui a travaillé durant des années pour pouvoir mobiliser l’énergie nécessaire afin que Conakry soit capitale mondiale du livre pour l’année 2017 - 2018. C’est un mandat d’une année ; Donc, ce n’est pas une seule journée : c’est toute une année d’activités. Donc, ce serait du cinéma, du théâtre, de la comédie, de la réflexion, des conférences, des formations, de la création des infrastructures, de l’élaboration de politique nationale du livre. C’est énormément de réflexions pour le pays. C’est pourquoi je demande à toute la Guinée de soutenir ce projet, Et c’est une façon de confirmer le retour de la Guinée sur la scène internationale sur le plan culturel. Vous savez que nous avons été absents dans beaucoup de choses, mais le retour sur le plan littéraire est réel avec cette nomination. Vous savez, c’est le pays de Laye Camara, de Djibril Tamsir Niane, de Tierno Monènèmbo, d’Aliou Fantouré, de Lamine Capi Kamara, de Keita Fodéba, de Williams Sassine. Tous ces grands noms ont fait la fierté de notre pays. Et les gens viendront pour visiter le pays de ces hommes et de ces femmes qui se sont battus pour la littérature. Donc, je demande à la Guinée de se mobiliser. C’est possible d’arriver à faire véritablement de Conakry dans des dizaines d’années la capitale africaine du livre. Parce que pour nous, capitale mondiale du livre est une étape de ce projet. Les gens pensent que dès après le 22 avril 2018 qu’on va croiser les bras. Non ! C’est une étape de notre projet à l’image d’Ouagadougou, de Bamako, d’Abidjan et de Dakar. Nous voulons que Conakry soit référencée en termes de livre, en termes de littérature sur le plan africain.

Réalisée par Mady Bangoura
Tél : 00224 664 29 48 51

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